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  • Photo du rédacteurVallès Latry

Sakaj & Skandal à Oasis

Publié le 9 décembre 2014


Par ces temps où les groupes musicaux des années 60, 70 et 80 opèrent des retours éclair en vue de satisfaire les fans orphelins ou se faire plaisir le temps d’une soirée, la nouvelle du spectacle de SAKAJ-SKANDAL le 6 décembre 2014 à l’hôtel Oasis en a surpris plus d’un. Les souvenirs remontent à la surface, mais les interrogations également quant à la pertinence d’un tel retour tant ces deux groupes n’ont duré que l’espace d’un cillement, pour reprendre le titre du fameux roman de Jacques Stephen ALEXIS.


En effet, constitués dans la foulée des changements sociopolitiques survenus dans le pays en 1986 et faisant partie de la vague de nouveaux « bands » qui ont envahi le marché et le cœur des Haïtiens sous la dénomination de « Nouvelle Génération », Sakaj et Skandal se sont inspirés, un tant soit peu, de la voie tracée par leurs illustres prédécesseurs que sont ZÈKLÈ et Caribbean Sextet.

Ceux-ci étant des groupes hors-norme tant dans l’innovation que dans la maitrise musicale. La marche se révélait un peu haute. Toutefois, voulant offrir une alternative aux fans de musique, surtout les jeunes, qui, faute de se retrouver dans l’univers des groupes existants (Bossa Combo, DP Express, Scorpio, Skah Shah, etc.) avaient tendance à se tourner vers le Zouk et les variétés américaines, des jeunes gens de l’époque ont voulu dépouiller le Compas des scories de « mizik granmoun », alléger les textes (moins social, plus d’amour et de légèreté), débarrasser les compositions de la « lourdeur » des sections rythmiques (faute de moyens également et cela simplifiait la tâche à certains qui n’avaient aucune culture musicale en utilisant les fameux synthétiseurs polyphoniques « magiques »).

Dans cette mouvance frénétique, des groupes tels que PAPASH, ZIN, et évidemment Skandal et Sakaj ont apporté au public une certaine fraicheur, mais également, il faut le dire, ont su profiter de l’humeur du moment. Si les deux premiers ont pu fédérer un large public, à cause notamment du style adopté tant à l’écoute que dans les soirées, la présence des deux derniers correspondait davantage à une aventure expérimentale (à l’instar de Bazilik d’Edy Brisseaux) plutôt que la concrétisation d’un projet nourri d’ambitions à long terme. C’est dans cet état d’esprit et cette ambiance de transition socioculturelle qu’évoluait la « Nouvelle génération » de l’époque. Consciente d’être l’acteur d’un moment historique, culturellement, qui s’est imposé par la force du destin, tout en n’étant pas certaine des perspectives et des marques à imprimer sur l’avenir.


La soirée


La publicité effectuée autour de cette affiche laissait présager du format voulu par le promoteur. On s’attendait à une grande estrade installée sur la cour de l’Hôtel Oasis à Pétion-Ville, et on a eu droit au toit avec un décor à minima et une disposition de salle s’apparentant davantage à une soirée mondaine qu’à un spectacle de retrouvailles. D’ailleurs, les premiers spectateurs « lambda » se sont retrouvés à environ soixante mètres de l’estrade dans une disposition de salle prompte au torticolis. Les espaces attenants à la scène étant réservés aux VIP. Quoique certains spectateurs ont pu s'approcher de la scène dès le début de la première prestation.

Voilà pour le décor!

Les premières notes de l’artiste évoluant en lever de rideau, Yohan DORE, se sont fait entendre à 22 h 45 alors qu’il était indiqué 20 h sur les billets en vente. Pas une annonce. Ponctualité, quand tu nous tiens! Pas un mot d’excuse! Quel sens du respect! Il faut dire que contrairement à Zèklè ou le Caribbean Sextet qui constituaient des réceptacles de talents et emportaient des adhésions diverses, Skandal et Sakaj ont toujours joué le registre élitiste quoiqu’ayant des adeptes dans toutes les couches de la société. Que voulez-vous? MEMORIES!!!

Quant à la performance de Yohan DORE. Le Rock à la sauce haïtienne pourrait avoir de l’avenir si ce style était répandu en Haïti. Après les trois (3) morceaux exécutés, on se dit que le jeune homme a du talent, de l’énergie, de la substance et de l’envie. Mais, a-t-il foi dans l’implantation et la perpétuation de ce style musical en Haïti? À en juger par les timides applaudissements accompagnant chacune des chansons, il est permis d’être pessimiste. Les prestations


Sous la direction musicale de Gérald KEBREAU (basse), accompagné notamment de Keke BELIZAIRE à la guitare, de Rudy NAU à la batterie, Joe DORE et Poppy DUVERNE aux claviers et d’autres musiciens très talentueux, Patrick HANDAL fait son apparition en entonnant l’un des premiers titres enregistrés par Skandal « Nouvèl jenerasyon ». Accompagnement musical parfait. Le rythme reste le même, mais agrémenté de la section des cuivres qui donne une tonalité différente à ce tube alors que l’original abusait des sonorités émises par les claviers électroniques. Le public est en extase (environ 200 personnes). Mais, la voix du chanteur détonne tellement qu’on se croirait dans un exercice de karaoké. Est-ce la maturité acquise au fil des ans qui permet à des amoureux de musique de déceler ces imperfections ou le temps qui a fait son œuvre sur les cordes vocales? Il n’en demeure pas moins que l’orchestration parfaite couvrait le vacarme découlant des notes imprécises. Mais, que voulez-vous? MEMORIES! Ensuite, ce fut un enchainement harmonieux mélangeant les tubes de Skandal et Sakaj alternativement. Formule heureuse visant à maintenir l’émotion du public à son niveau maximum. Gilbert Bailly entame la première interprétation de Sakaj avec « Poukisa? ». La voix est mieux maîtrisée. Il est complètement dans le rythme. La foule exulte et les musiciens subliment cette soirée par l’expression de leur talent en revisitant ces tubes qui ont fait vibrer tellement de jeunes à l’époque. De « Se ou » à « zwazo » en passant par Lonely Lover (version instrumentale et version chantée???), « Sakaje m », l’ambiance fut à la fête et à l’évocation des souvenirs de jeunesse. Patrick Handal, un peu crispé au début (tract ou timidité) s’est un peu relâché au fil des chansons et la voix avec. Toutefois, les gais lurons d’antan sont devenus des hommes d’affaires un peu bedonnants. Ce qui donne l’impression par moments, que le cœur n’y est pas trop. Mais, peut-être que la fatigue due à des séances de répétition et le stress des retrouvailles ont leur part de responsabilité dans cette situation. Les deux chanteurs, chacun à leur façon, ont « chauffé » le public. Mais, la foule, composée en majorité de quadras et de quinquas, n’avait même pas besoin de ces relances pour chanter à tue-tête. Durant l’intermède, les choristes en ont profité pour montrer l’étendue de leurs talents surtout Michou avec sa voix rauque et plus tard dans un duo merveilleusement exécuté avec Gilbert Bailly (Melody feeling) et les organisateurs ont remis des plaques d’honneur à Patrick HANDAL, Gilbert BAILLY et Joe DORE. L’autre pilier de Skandal, John Doane étant décédé, son ombre a plané sur toute la soirée, surtout durant l’exécution de « Lonely Lover », sa composition phare. Fabrice ROUZIER a également reçu une récompense, ayant été quasiment de toutes les aventures de cette nouvelle génération, dont Sakaj et Skandal. La soirée s’est terminée en apothéose vers 2 h du matin sur les notes « du » tube de Skandal « Ti bway» suivi, sans transition, de « Pa gad sou lot » de Sakaj. Malgré les critiques du début sur le format adopté, la ponctualité et certaines détonations dans les voix, la soirée fut belle et chaleureuse. Le public est reparti de l’hôtel Oasis avec des éclairs dans les yeux, le cœur battant la chamade comme après avoir rencontré un amoureux longtemps perdu de vue. Chacun se demandant : les reverra-t-on encore une fois après 25 ans d’éclipse?


Un album de Sakaj serait en préparation et sortirait à la fin de 2015. L’occasion de prouver que cette soirée de retrouvailles n’était ni une opération marketing, ni un exercice d’auto satisfaction, mais une réelle envie de revoir les fans et de faire plaisir à tous ceux qui attendent une touche différente dans la musique haïtienne actuelle.


GRL

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