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  • Photo du rédacteurVallès Latry

James Germain, tout en fusion


L’album est placé sous le signe de la spiritualité. Je l'ai écouté d’un trait avec énormément de fébrilité. Pièce par pièce, la musique coule doucement et nous plonge dans un état de béatitude, en pure communion avec les éléments… À la fin de l'écoute, il faut opérer selon la même formule que les astronautes qui reviennent sur terre après un voyage dans l’espace. Un grand silence s’impose pour se reconnecter avec le réel, sinon c'est la cohue.

Avec James, une partie de l'héritage culturel national reste non seulement intact mais transcende les frontières. Un album tout en fusion qui s’inscrit de plain-pied dans la mouvance World fortement coloré de rythmes africains, mais pas exclusivement. Il serait impensable de réaliser un tel album en Haiti. Nos musiciens ne sont pas suffisamment familiers à ce type d’arrangements, subtils mais sans pourtant être trop recherchés. On y retrouve un peu de Salif Keita, de Mory Kante, de Youssou N’ Dour et de Myriam Makeba. James n’invente rien. Sa démarche s’inscrit dans celle initiée depuis quelques temps par les artistes africains, même les plus jeunes jeunes dont Cumba Gawlo qui a fait un tabac en Haiti à la fin des années 90 avec une reprise du classique pata pata de Myriam Makeba. Ils mêlent des sons traditionnels à des sonorités plus modernes dans une réconciliation très réussie de rythmes à première vue antogoniques. Les métissages musicaux actuels nous interdissent dorénavant ce genre d’analyse. Tout se mélange désormais dans l'arc-en-ciel musical.

Dans ce pays, quelque chose menace toujours la paix. J’ai choisi des airs traditionnels qui insistent sur l’unité et l’espoir. Toutes nos énergies doivent être mises ensemble pour reconstruire Haïti.
James Germain

Et comme pour les précédents albums de l’artiste, la réalisation d’un tel album en Haiti serait un pari trop risqué car seule une poignée de personnes, sans doute les mieux avisées, lui aurait fait un accueil favorable.


Cet album s’inscrit dans un projet spécifique qui sert de fil conducteur à l’artiste et non des titres jetés pêle-mêle sur un disque compact. Bélo, Beethova, Emeline Michel, Eddy François sont parmi les rares artistes haitiens qui mènent une carrière active qui se risquent encore à cette pratique, se refusant au formatage de la musique manufacturée et commerciale. Fortement imprégné de culture mandinque et griotte, James a collaboré avec de grands noms de la musique malienne provenant de plusieurs régions de ce pays encore fortement ancré dans ses traditions dont Andra Kouyaté, le frère de Bassekou (ngoni basse), Mohamadou Diabaté (kora).


Dans cet opus, James chante Haiti dans ses errements, ses déchirements, ses espoirs et prône le rapprochement des peuples. C'est un appel à l'unité et au rassemblement vers un but commun, celui de reconstruire Haiti à travers sa richesse principale, ses hommes.


LE DÉTAIL DE L'ALBUM

Peyi a et Nou prale

Versions revues, corrigées et augmentées du titre traditionnel Wongòl, mi-créole, mi-dialecte africain avec des arrangements nettement tournés vers l'Afrique. La douceur des choeurs féminins et la voix puissante de James Germain font un excellent mariage. Un contraste saississant qu rend ces airs méconnaissables même pour les plus avertis.


Divinò

Version Jazzy / RnB habillée de percussions africaines. Le tempo est plus lent, ce qui donne de la profondeur au texte pourtant répétitif. Toute la lassitude du révolté est contenue dans la voix. Cette chanson raconte l’histoire d’un homme fatigué, réduit mais qui se refuse à se laisser faire. La version précédente intitulée M prale qui figure sur l’album «kafou minwi» était acoustique, complètement dépouillée, voix et tam tam et tempo plus rapide.


Gran bwa

Une performance vocale incroyable où James fait montre d’une grande maturité. Sa formation en Jazz, Gospel et musique classique y est pour quelque chose. Des inflexions vocales aux courbes sinueuses qui se jouent de nos émotions. Les effets sonores sont de toute beauté, ils nous transportent en pleine nature. On imagine des arbres géants qui laissent à filtrer le soleil en rayons distincts et espacés. On est bien forcé de lever la tête et dans un élan spontané s’interroger sur l’origine des choses...


Douvanjou

Reprise d'une chanson d'Emeline Michel, sa grande amie, extrait de son premier opus «Douvanjou ka leve». La voix de James se pose aisément sur la mélodie. Étonnant de voir une voix si forte s'exprimer avec une telle délicatesse. Les arrangements modernes très Soul/Gospel sont très efficaces et à certains moments on se méprend à croire que c'est une version originale. D’autant plus que la version d’Emeline a déserté les ondes depuis des lustres et que l’album épuisé n’a jamais été réédité. Piano, guitare & percus.


Nago Nago

Festif à souhait. Un festival de percussions. Haiti à la rencontre de l'Afrique ou l’inverse selon les humeurs. L'ambiance des cérémonies vodou ou des feux de camp, c’est selon. Question d’humeur à nouveau. Interprétés avec force et puissance. Les percussions lourdes produisent un son sourd qui soutient l’ambiance très festive créée par les voix et les cordes.


Lenglensou

Vodou et folklore. Le troubadour sur le faîte des montagnes et dont la voix fait écho dans les plaines. James excelle dans ce genre, sa voix fait tressaillir et porte le message jusqu'aux confins de notre subconscient. Acapella. Les belles harmonies vocales dont il a gratifiées Emeline sur ses trois derniers albums sont maintenant à son service propre.


Sole

La jungle africaine, la musique pure roots et ces harmonies vocales qui viennent droit du paradis, qui évoquent le sacré. Pure magie.


Mucho Woulo

Reprise de Boukan Ginen (acapela) qui a valu à ce groupe de représenter Haiti à l’Eurovision. Trop beau. La musique donne une toute autre couleur à cette chanson déjà très africaine qui rappelle un peu les airs de Ladysmith Black Mambazo. Un soupçon de rock qui évoque en même temps l'Inde. Une ambiance de méditation qui invite à ces ritournelles de danse Menwat si chères aux paysannes du sud du pays.


Famadé

Duo avec Batoma Sissoko dotée d'une voix fortement inspirée par celle de Myriam Makeba, comme si celle-ci s'était ressuscitée l'espace d'une chanson. James Germain se fond entièrement dans la chanson. Sa voix suinte les émotions que les mots transportent. Des mots pour consoler, pour réconforter qui évoquent la berceuse par endroits.


Moun sa yo

Fusion démentielle. Les sons virevoltent dans une ronde magique qui envoûte et de laquelle on ne revient jamais, une ribambelle d'images explose en mille morceaux et entraine dans un déluge étourdissant de mots percutants.

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