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  • Photo du rédacteurVallès Latry

Ahdeline Thélusma, une résurrection musicale

Publié le 5 septembre 2010


C’est la fin des années 80, la musique populaire haïtienne a perdu la plupart de ses repères. Les plus optimistes diront que la musique était en pleine redéfinition, j’opterais plutôt pour une période de grande déperdition, un passage à vide dommageable à bien des points de vue mais duquel émergeront quelques trésors. Adeline Thélusma est l’un de ceux-là.


Ahdeline

Les débuts


Adeline est née avec la fibre artistique. Très jeune déjà, les membres de sa famille et les visiteurs qui fréquentaient sa maison à la Petite Rivière de l’Artibonite d’où elle est originaire, ne tarderont pas à découvrir la jeune vedette en gestation qu’elle était. Toujours prompte à faire le show, Adeline était à l’affût des derniers tubes de l’heure qu’elle interprétait avec une justesse surprenante.


Plus tard, vers l’adolescence, elle songe sérieusement à une carrière artistique, mais sensible à la critique, elle se laisse dissuader par un proche qui estimait qu’avec sa voix atypique, rauque et pleine de déchets, ses chances étaient proches de zéro. Jusqu’à ce qu’elle découvre des artistes tels Tina Turner, Sade, Kim Carnes. À Partir de cet instant, elle devient son plus grand fan.


Déménagée à Port-au-Prince, ses premiers pas dans la musique s’effectuent avec un petit groupe du nom de «Sunrise» qui a dû connaître un succès très limité car ce nom n’évoque pour moi aucun souvenir. Peu de temps après, elle rencontre des musiciens plus affirmés parmi lesquels se retrouve un jeune Valdimir «Jimmy» Jean-Félix qu’on avait pu voir auparavant dans les divers konkou Mizik notamment accompagnant Beethova Obas et qui deviendra plus tard guitariste de Boukman Eksperyans et l’un des piliers de Boukan Ginen. Jimmy était l’un des leaders d’un autre groupe du nom de MIZA (Mizik inite zanmi atis) qui comprenait d’autres musiciens qui laisseront d’une manière ou d’une autre leur marque dans la musique haïtienne notamment Patchouko (Boukan Ginen), Suze Raymond (Zetwal), Alex Villier (Music Arts), Wilkenson Théodore et d’autres.


C’étaient les années 90, Jean-Pierre Brax animait l’émission «Fashion» à la Télévision nationale, un magazine culturel hebdomadaire réalisé par un très jeune Richard Sénécal et qui prenait le pouls de l’actualité culturelle de la capitale. Miza était filmé lors d’une séance de répétition et la chanson que le groupe interprétait donnait la mesure de tout le talent dont ces jeunes recelaient.

Les années Papash et les collaborations

Miza n’ayant existé que l’espace d’un cillement, Adeline rejoint les rangs de Papash, jeune groupe de la nouvelle génération qui à l’époque, tentait maladroitement mais courageusement avec d’autres formations musicales de ressusciter un konpa qui avait atteint alors le fond du baril. La jeune artiste d’alors leur avait tapé dans l’oeil lors de la première prestation de Miza en ouverture d’un spectacle de Papash.

Ce sera le début d’une belle mais brève aventure musicale qui la conduira à New York où le groupe sera plus tard basé jusqu’à sa dissolution et avec lequel elle enregistre deux albums, Aprann renmen (1990) et Trip sou mwen (1992).


Adeline prêtera également sa voix en tant que choriste à certains projets et artistes dont Super Mario 4 (1997) de Mario de Volcy, Zshea et plus récemment au New York All Stars, vol. 3. Cependant, c’est en compagnie de Richard Rouzeau, chanteur, claviériste et auteur-compositeur de Papash, qu’on la reverra plus souvent. Se supportant mutuellement, ces deux-là, comme larrons en foire continueront de s’activer pour sortir la tête de l’eau dans une industrie qui ne fait pas de cadeau car ils ont de grands rêves et peu de moyens de les concrétiser. Aussi, après la dissolution de Papash, verra-t-on Richard Rouzeau en compagnie d’Adeline sur plusieurs projets dont un titre pop en anglais qui avait connu énormément de succès sur les chaines télé haïtiennes et plus récemment un titre konpa (kouran lavi) qui devait figurer sur un album solo Tanpere w dont la sortie était initialement prévue en 2008.

La résurrection musicale

La voix d’Adeline est reconnaissable entre toutes, son timbre rauque valse aisément entre des tonalités variées; mélodieuse à souhait, elle sied admirablement bien à une diversité de genres musicaux. Ces qualités vocales lui ont valu d’être une remarquable interprète et de gagner sa place parmi les meilleures choristes haïtiennes de ces deux dernières décennies aux côtés de Jacqueline Denis, Béatrice Kébreau, Georgy Métellus et très récemment Roserbie Théoc. Ironie du sort, ces filles ont en commun, un rendez-vous manqué avec la carrière musicale, une vraie à la mesure de leur talent.


Cependant, après être disparue depuis plusieurs années des radars musicaux, Adeline refait surface, se délestant du patronyme Thélusma et modifiant légèrement l’orthographe de son prénom en y ajoutant un H pour adopter un simple Ahdeline comme nom d’artiste et s’amenant aussi avec trois titres très évocateurs du virage musical qu’elle a pris et du marché qu’elle convoite : Hunger and hope, Still Like et consequences.


Ces trois morceaux dont le plus abouti reste Hunger and Hope, tant par le thème que par les arrangements, doivent figurer sur son prochain album solo supposé être une fusion R&B, Hip Hop, Jazz, Pop, Soft Rock et de rythmes caribéens. Ces genres sont le résultat de toutes les influences auxquelles Ahdeline a été soumise depuis sa prime jeunesse. Et le résultat est ma foi, assez sympathique. Un genre indéfinissable proche pourtant de la mouvance Nu Soul qui n’est pas sans rappeler Sade et mettant en valeur son timbre enveloppant qui épouse et emplit la musique.


Ahdeline a le mérite de poursuivre un vieux rêve mille fois recyclé après avoir mis en route et abandonné de nombreux autres projets. Ce dernier projet est intéressant en cela qu’il ne s’inscrit pas dans la facilité. La plupart de ses paires visent à être les reines du konpa, un genre qui pourtant les rejette comme des kleenex usés, mais elles s’obstinent se cassant les dents allègrement avec le cœur saturé d’amertume.


Ahdeline elle, s’inscrit dans le vaste et infini marché de la musique indépendante qui regroupe une kyrielle d’artistes aux rythmes inclassables et indéfinissables qui aspirent un jour à une hypothétique percée mus en cela par la magie de l’Internet . Certains y croient, peut-être un peu naïvement, d’autres le font pour l’amour de la musique. Peu importe leur motivation, le marché de la musique indépendante demeure seul gardien de l’essence de la musique et ce sera le cas encore longtemps.


Longue carrière à Ahdeline espérant que cette fois-ci sera la bonne.

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